une décision difficile (Jayse)

Le guerrier se leva en regardant le garçon entrer. Ce dernier ne semblait pas dans son assiète, probablement assaillit pas le doute...

Je sais que notre dernière rencontre ne t'incite pas à me faire confiance. Mais la créature qui t'a agressé dans les quartiers pauvres, cet Orion, est bien plus dangereux pour toi que je ne peux l'être moi-même. C'est un démon mon garçon, et ses pouvoirs sont immenses. Ecoute-moi attentivement, ne m'interrompt pas avant que j'en ai terminé.

Cette bête maléfique n'est pas là par hasard. Je ne sais pas grand chose d'elle sauf qu'elle est à la recherche d'un nexus - une source de magie incroyablement puissante - qui permettrait à son maitre de plier la ville entière à ses dessins. Si Orion devait mettre la main dessus, s'en serait finit des Monts Irréels. Je ne connais pas la raison pour laquelle il veut faire de toi son élève. Il veut les plans des catacombes, cela oui. Mais pourquoi ne te tuerait-il pas au moment même ou il entrera en leur possession ? Ceci reste un mystère. J'ai eu la chance d'entendre votre conversation tout à l'heure, et l'intervention de Mystéria m'a permis de rester dans l'ombre. Il ne se doute pas que je sais.

Ce que je te propose, c'est de faire ce qu'il te dit, sans quoi, il attenterait à ta vie sans la moindre hésitation. L'entrainement qu'il te fournira fera de toi un homme puissant, et tu apprendras à percer les mystères de la magie qui habite le démon. Ce sera l'unique façon de le vaincre. Et je veux sa mort. De plus, tu pourras me rapporter vos entrevues, ainsi, ses plans me seront dévoilés.

En résumé, contente-toi d'appliquer ses ordres tout en glanant un maximum d'informations. Mais avant qu'il ne s'empare de l'école, nous lui tendrons un piège, et nous le détruirons. En agissant ainsi, tu ne desserts pas ta cause tout en servant la mienne. En échange de quoi, je te promets d'assurer ta sécurité tout le temps que durera ta "collaboration" avec ce monstre. Je ne te force en rien, la décision t'appartient.

Dantes saisit le jeune homme par les épaule et le dévisagea de ses yeux noirs. Il n'y avait ni haine, ni mépris, dans son regard.

Ecoute-moi mon garçon. La peur est un sentiment auquel nul homme ne peut échapper. Nous sommes tous soumis à son emprise, mais c'est la façon dont tu lui fais face qui fera d'elle ton allié. Ou ton ennemi !

Si un chien enragé venait à t'attaquer, que ferais-tu ? Sois tu lui ferais face en lui opposant une arme où en le frappant de tes mains ; alors, la bête se soumettrait à ton pouvoir. Mais tourne lui le dos et cours : alors elle te rattraperait en un battement de cil et te taillerait en pièces.

Il en va de même avec la peur. Fuis-la, et elle anéantira ta vie et tes rêves. Mais en l'affrontant, alors, elle deviendra plus faible qu'un insecte insignifiant.

Le destin est parfois cruel, car en mettant Orion sur ton chemin, il ne ta pas laissé le choix. Obéis au démon, et il te laissera vivre. Mais ton honneur sera à jamais souillé de ta trahison. Mets-toi au travers de sa route, et il te tuera. L'âme en paix, certes, mais un homme mort n'a que faire du devoir et de l'honneur. Ce que je te propose, c'est une alternative qui fera de toi l'un des hommes qui a fait face à l'oppression maléfique et qui l'a combattu. Ainsi, tu ne trahirais pas l'école, pas plus que la confiance dont les professeurs t'ont affublé. Et plus que cela, tu auras contribué à faire règner la paix en ce conté. Mais les obstacles à franchir sont nombreux. A toi de juger si tu peux affronter ta peur. Laisse-moi faire le reste.

Sois sans crainte, tu es plus fort que tu ne le penses. Et l'entrainement du démon te rendra encore plus puissant. Le plus important pour toi consiste à ne pas te faire prendre avec moi. C'est pourquoi je te demande de ne rien faire pour me trouver. Je viendrai à toi le moment venu. Le petit Djinn est sournois, je dois le neutraliser.

De la famille ?

L'attitude du guerrier ne changea pas, et son visage ne trahi pas l'ombre d'un sentiment. Mais derrière son impassibilité, une grande tristesse émanait en son coeur sombre.

Je n'ai jamais été très proche de ma famille. Je ne connaissais pas ma mère, et mon père s'est fait assassiné lorsque j'étais enfant. C'était un grand roi, et la peste des hommes puissants est que leurs ennemis demeurent toujours aussi nombreux, quelque soit le nombre qu'ils anéantissent. Ainsi vont les choses. Il en aurait sans doute été autrement si j'étais né d'une famille de nobles paysans. J'avais un frère ainé, lui aussi est mort, de ma propre lame. Je l'ai toujours admiré, mais nos idéaux radicalement opposé ont fait de nous des ennemis. Je n'ai jamais eu de femme, elles n'ont pas leur place dans ma vie, et de fait, je n'ai pas de descendance et n'en aurai sans doute jamais. C'est pourquoi je me suis toujours battu pour que mon nom ne s'éteigne jamais et continue de traverser les âges par les légendes. Et c'est aussi ainsi qu'un jour, je tomberai sur le champs de bataille là ou de nombreuses années de vie paisible auraient pu m'attendre... Telle est la vie des guerriers, mais je ne m'en plains pas, car je ne sais rien faire de mieux que manier une arme.

L'homme réfléchi un instant. Qu'il y ai sur terre quelqu'un qui porte son nom lui était égal, mais ce qu'il avait toujours désiré, c'était transmettre son savoir, ses expériences, comme l'avait fait son mentor et maitre d'arme, le vieil ermite.

Et bien mon garçon, pourquoi pas ? Mais je n'ai jamais été d'un naturel patient, et à la compagnie, j'ai toujours préféré la solitude. C'est pourquoi je ne serai peut-être pas très à l'aise dans le rôle que tu me donnes. Mais tu es courageux, tu me plais. Alors je suis sur que nous nous entendrons !

Le guerrier hocha la tête devant la mine réjouit du jeune homme. Il laissa passer un long silence avant de conclure.

Tout cela est très bien Jayse, mais n'oublie pas l'importance de ton rôle. Orion Elmestria est dangereux, ne baisse jamais ta garde. Désormais, il est temps de se dire au revoir. Nous ne devrions pas être ici. Je te contacterai à nouveau le moment venu. D'ici là, sois prudent, et n'oublie pas si sa volonté venait à te manquer : ou que tu seras, je serai une ombre veillant sur toi. Je ne laisserai personne te faire du mal, je te le promet. Maintenant va. Et sois prudent, il ne faudrait pas te faire remarquer lorsque tu sortiras de la tour. Son accès n'est autorisée qu'aux élèves de Réliss, et tu n'en fais pas parti.

Tu seras réparti à Ulukaïm. J'en ai la certitude. Mon meilleur ami était dans cette maison. Ceux qu'elle abrite sont amenés à devenir de grand hommes !

Un grand homme... Oui, je le suis ; plus que cela même, je suis en passe de devenir celui dont j'ai toujours rêvé être. Mais à quel prix, Jayse ? J'ai fait tomber des royaumes, en ai élevé d'autres. J'ai combattu hommes et démons à la recherche de l'adversaire qui saurait m'offrir ce que les spartiates appelaient une belle mort. Et je n'en ai jamais trouvé. Je suis devenu le fléau noir, et mon seul nom ferait trembler les plus grands bretteurs de cette terre. Mais pour assouvir ma soif de conquête, j'ai perdu une partie de mon âme. Je ne veux pas que tu suivent mes traces, car je n'éprouve aucune gloire à faire ce que je fais. Certaines nuits, mon esprit est rongé par le remord et la culpabilité, à tel point que je ne redoute plus la mort. Et un homme qui ne ressent pas la peur ne peut faire preuve d'aucun courage.

Vois-tu, le mal agit furtivement, murmura le guerrier. Un homme entreprend une mission à laquelle il croit, et chaque mort assombrit un peu plus son âme. Il ne vit ni le jour, ni la nuit. Un jour, cet homme du crépuscule, ce... fléau noir... s'enfonce dans les ténèbres. Il traque ses ennemis. L'homme est un bon chasseur, il les retrouve tous et les tue jusqu'au dernier. Cet homme, c'est moi Jayse. Il y a de cela quelques lunes, j'ai regardé le tortionnaire que je suis devenu, je ne me suis pas reconnu. Mon coeur est de pierre et j'ai tourné le dos à toutes les valeurs que je chérissais.

Si je te révèle tout ça, ce n'est pas pour me justifier. Je veux seulement t'aider. Tu as peur d'être faible, je le sens. Mais tu ne l'es pas. Tu possèdes une force que j'ai perdu il y a bien longtemps. L'honneur et la chevalerie. Accroche-toi à ça Jayse. Accroche-toi à ta lumière. N'oublie jamais ce code, quelles que soient tes décisions. Et quand tu affronteras un ennemi, ne fais jamais rien qui pourrait t'apporter la honte.

Le visage de Dantes s'éclaira d'un sourire triste. Jayse était sans nul doute un bon compagnon, et sa détermination pour réconforter le guerrier était source d'une douceur amère.

Puisque je t'ai promis de me tenir à tes côtés chaque fois que tu en auras besoin, je me dois de te révéler la vérité. Une relation basée sur le mensonge ne peut aboutir qu'à la haine et au chagrin. C'est pourquoi je vais être franc. Il est des choses qu'aucun acte ne peut racheter mon garçon. J'ai oeuvré pour le bien et défendu une cause que je jugeais noble pendant plus longtemps que tu n'as vécu sur cette terre. Nombres d'hommes m'admirent, et j'ai eu l'occasion d'acheter ma rédemption auprès d'eux plus de fois qu'il n'est nécessaire. Mais il y a une blessure en mon âme qui ne se refermera jamais. Une plaie béante que je me suis infligé moi-même. Je suis trop vieux pour y changer quoi que ce soit, et ce même si j'étais l'homme le plus respecté de la terre. Mais n'ai crainte. Ma volonté, elle, ne fléchi pas.

Dantes balaya la question du jeune homme d'un geste de la main. Une grimace déforma son visage avant qu'il ne réponde d'un ton catégorique.

Je n'aime pas parler de cela. Sache seulement que chacun d'entre nous renferme ses propres démons. Les miens sont simplement plus violents et dangereux que d'autres...

Le esquissa un l'ombre d'un sourire le premier qu'il ne forçait pas depuis bien longtemps. L'entrain de la jeunesse faisait plaisir à voir ; la relève était bel et bien assuré par des gens comme Jayse dont la soif d'apprentissage et la détermination n'avait rien à envier à celles qui avaient animé Dantes en sa jeunesse. Comme ce temps lui semblait lointain ! L'homme ébouriffa les cheveux de Jayse en lui envoya une bourrade amicale. Pourtant, son visage s'assombrit de nouveau lorsqu'il reprit la parole.

Je ne suis plus très sur de moi. Le marché que nous avons conclu tout à l'heure n'était peut-être pas une bonne idée. Car je ne veux pas qu'il t'arrive quoi que ce soit lorsque tu seras avec cet Orion... J'ai déjà eu affaire à lui, et le démon est malin : nul doute qu'il saura gagner ta confiance et ton amitié, comme j'espère avoir gagné la tienne. Mais mes sentiments sont sincères. Qui sait ce que mijote cette créature ? Ne te fie pas aux apparences, car le chemin qui mène au mal et à la corruption semble toujours bien plus attrayant que celui qui fera de toi un homme de bien. Ta volonté est grande, autant que tes qualités, mais tu manques d'expérience pour faire face à la fourberie d'un être doté d'une telle puissance. Il sondera tes désirs les plus fous et s'attirera ton amitié à force de promesses insensées. Je peux t'épargner une mort douloureuse s'il t'attaquait de front, mais face à la mesquinerie des créatures de l'ombre, tu seras seul pour faire la distinction entre fraternité et supercherie...

Dantes se détendit et s'accorda un nouveau sourire.

Tu es bien plus sage que ton jeune âge ne le laisse supposer de prime abord. Ne relâche jamais ta vigilance et tu seras promis à un bel avenir. Trop rares sont les personnes doués des qualités qui sont tiennes. Tu as encore tellement de temps devant toi : si tu ne baisses pas les bras, tu pourras réaliser tous tes rêves, et construire ton mythe afin que les bardes relais tes exploits au travers de contes lyriques. Et si tu te dois de garder en tête qu'il ne revient qu'à toi seul de bâtir ton avenir, sache que je serai à tes cotés pour t'épauler quand tu en auras besoin. N'hésite pas à venir me trouver, ma lame est tienne désormais. Je te l'ai promis, et c'est la moindre des choses que je puisse t'offrir.

L'homme tendit sa main caleuse au garçon qui l'écoutait avec beaucoup d'attention, et attendit qu'il la saisisse, gage d'une fraternité que seule la mort viendrait rompre.